lundi 1 janvier 2007

Culture à Menzel Abderrahmen

Culture
«PAR DELÀ LES RIVIÈRES» PROJETÉ À MENZEL ABDERRAHMAN Barsaoui enchante des centaines de jeunes !
Le cinéaste Khaled Walid Barsaoui a créé l’événement à Menzel Abderrahmane près de Bizerte en projetant, le vendredi 15 décembre courant, en DVD dans la Maison de la Culture Ibn Rochd sa dernière création, le long-métrage de fiction (85’). «Par delà les rivières» dans une salle comble où près de trois cents jeunes entre lycéens et étudiants (sans compter ceux qui sont restés debout) se sont réconciliés, l’espace d’un après-midi pluvieux, avec l’atmosphère, encore aujourd’hui fuyante, des ciné-clubs des années soixante-dix. Quelles retrouvailles ! Quelle surprise !
Le cinéma n’est pas mort ! Au-delà de l’engouement sur les jeunes suscité par ce film qui vient de participer au Festival du Cinéma au Caire, il n’est pas superflu, quand même de rappeler que le septième art, malgré les paraboles, n’est pas mort. Des salles qui se rétrécissement comme peau de chagrin (17 salles dont 5 sont «potables») alors que le public cinéphile —on l’a vu— non seulement existe mais croît superbement dans chaque contrée. N’est-ce pas là une aberration supplémentaire ! Le mouvement ciné-clubs, dont est issu Barsaoui, ne demande qu’à être restauré pour de bon. C’est un acquis culturel à renforcer pour que nos villes, nos villages ne ressemblent pas à un couvre-feu après vingt heures. Le cinéma fait aimer la vie dit-on. Pourquoi, alors, l’actuelle «négation» de la vie que l’on subit perpétuellement à travers des salles qui ferment, des conditions de projection catastrophiques, le «diktat» non avoué des diffuseurs et autres distributeurs? Le recours de Barsaoui aux maisons de la culture à l’instar de celle de Menzel Abderrahman —pour faire connaître son film est un véritable défi lancé aux distributeurs qui font la pluie et le beau temps du cinéma tunisien pourtant encore fébrile et qui «balbutie» encore malgré des victoires à la Pyrhus comme lors des derniers J.C.C. Barsaoui a ouvert une brèche et aux décideurs culturels de saisir cette main tendue, surtout quand l’œuvre tient en haleine, intéresse, fait vibrer même comme «Par delà les rivières» que Barsaoui a projeté, cette fois-ci, gratis.
Un film-prouesse Ce long-métrage de Barsaoui, après ses premiers court-métrages en super 8 et en 16 mm dans les années 80 avec la F.T.C.A. (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs) et sa vingtaine de court-métrages pour le cinéma et la télévision depuis 1990 et un téléfilm «la fille du kiosque» (2002) constitue donc quand il est sorti le 11 septembre 2006 un tournant dans l’œuvre de ce cinéaste jusqu’à l’os, né en 1995 à Jendouba. La trame du film s’articule autour d’un mélodrame de presque tous les jours: lors de la cérémonie de son mariage forcé avec son cousin Ikbal, Aïcha (superbement interprétée par Nadir Boucetta) fait volte-face et s’enfuit avec Mehdi, le jeune homme qu’elle aime. S’ensuit alors une course-poursuite effrénée qui, en les conduisant sur les lieux de leurs souvenirs, les mènera jusqu’aux origines de leur déchirement mutuel. La fin tragique de Ikbal n’en sera que le fatal dénouement. Bien sûr, la symbolique du film dépasse le cadre limitatif de cette histoire d’amour et de jalousie ainsi que l’histoire de cette famille tunisienne du Nord-Ouest qui débute juste après l’indépendance du pays pour se terminer, trente ans après, embourbée dans les méandres d’une société qui, par cécité ou par couardise, s’empêche de se regarder en face. S’articulent en des scènes légères et rapides et usant des poncifs de la course-poursuite et du film à suspense grâce à un hélicoptère d’épandage de pesticides —une première dans le ciné tunisien— le film de Barsaoui est bel et bien un «road movie», gravitant autour du concept du retour aux sources, au terroir, à la terre nourricière, à une possible reconciliation avec les origines, l’identité première et originelle.
Un débat «porteur» La projection du film, précédée il faut le présider par son presque alter-ego, le court-métrage «Presqu’un rêve» réalisé par Barsaoui en 2004, tout ce beau monde a été convié, sans le public malheureusement, à une espèce de «table-ronde» sur les lieux mêmes de la projection. Barsaoui, flanqué de son conseiller musical, l’illuminé Ali Saïdane, s’est prêté volontiers au jeu des questions-réponses auquel ont pris part notamment quelques «fins lettrés»: Mohamed El May, Lotfi Turki, Abdelkader Gharbi, Abdefattah Gharbi etc. Et là, l’on a senti vraiment que Barsaoui est un homme seul, qui essaye d’échapper aux moules, qui essaye de renverser, à l’instar d’une démarche nietzschienne, l’échelle des valeurs préétablies. C’est le «Moujahed» du cinéma tunisien, qui va à contre-sens de certaines normes. Sans nul doute, Barsaoui est une espèce de «Soixante-huitard» des temps modernes. Mahmoud Mejri et Hichem Mrad, en l’invitant pour ce «Majliss» du 15 décembre, le dernier de 2006 ont encore une fois vu juste et bien . Bravo. Les jeunes de Menzel Abderrahman s’en souviendront longtemps.

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